La « valeur partagée » : maturation du concept de RSE ?
- La RSE intègre les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans les activités des entreprises.
- La création de valeur partagée propose de créer de la valeur économique tout en profitant à la société.
- Certains exemples d'entreprises mettent en pratique la valeur partagée pour renforcer leur compétitivité et leur impact positif sur la société.
Développé depuis la fin des années 1960, le concept de RSE participe de la réconciliation entre la valeur économique et les valeurs sociales. En 2011, un article publié dans la Harvard Business Review, par les professeurs Michael Porter et Mark Kramer propose de faire du progrès social le moteur des entreprises. Une valeur partagée par de plus en plus d’entreprises.
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A l’origine était la RSE
La RSE est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». Elle décline ainsi à l’échelon de l’entreprise les valeurs du développement durable. En pratique, il s’agit pour l’entreprise de prendre ses responsabilités vis à vis des parties prenantes, c’est à dire vis-à-vis de tous les acteurs susceptibles d’être impactés par son action ou son inaction. En France, les lois Grenelle I et II posent le cadre de la RSE et renforcent les devoirs des entreprises auprès de leurs salariés et de l’environnement.
Si le concept de RSE est désormais incontournable, il reste parfois perçu comme une contrainte pour des entreprises qui peinent à le mettre correctement en œuvre. Si certaines d’entre elles sont pleines de bonne volonté, d’autres sont accusées d’instrumentaliser la RSE à des fins de communication ou d’image. C’est dans ce contexte, que les professeurs Michael Porter et Mark Kramer proposent le concept de « création de valeur partagée », comme une nouvelle étape de la RSE.
La théorie de la valeur partagée au secours de la RSE
Ce nouveau « business model »consiste selon les deux théoriciens « à créer de la valeur économique d’une manière qui profite aussi à la société, en répondant à ses besoins et ses défis ». Il permettrait ainsi de renouer le dialogue face à un capitalisme perçu comme égoïste et de lutter contre une création de richesses qui se ferait aux dépends de l’environnement et de l’humain. De plus, l’avantage compétitif, générateur de profit pour l’entreprise, n’émane plus de la destruction du tissu social ou environnemental, mais de la création d’externalités positives pour tous. Car pour Porter, les entreprises offrent un « moyen unique de satisfaire les besoins humains, d’améliorer l’efficacité, de créer des emplois et d’accroître la richesse ».
Cette vision à long terme fait le pari d’une clientèle, d’une société en meilleure santé, mieux instruite, et permettant de générer de meilleurs profits. Et c’est bien cette vision à long terme qui différencie la RSE de la théorie de la valeur partagée. La création de valeur partagée s’impose comme un facteur de compétitivité durable, en ce qu’elle s’appuie sur ses ressources et ses compétences. En revanche, la RSE, parfois trop attachée à la seule réputation de l’entreprise, possède souvent un lien limité avec le cœur de l’activité.
L’avenir prometteur de la théorie de la valeur partagée
Cette tendance touche des domaines aussi variés que la banque ou l’agroalimentaire. L’impulsion a largement été donnée par les entreprises anglo-saxonnes telles que Coca-Cola qui a entrepris de former à la vente des jeunes issus des quartiers populaires. En contrepartie, ces derniers contribueront à augmenter la vente des cannettes au sein des commerces qui les accueilleront lors de leur stage. L’investissement a été rentabilisé au bout de deux ans. De plus, 30 % des jeunes formés ont été embauché chez Coca-Cola ou chez l’un de ses partenaires. Nestlé a développé un programme garantissant les prêts des agriculteurs d’Amérique latine. Cette stratégie a permis d’augmenter conjointement les revenus de la firme et des producteurs.
« Au lieu de vouloir uniquement améliorer un produit, nous cherchons à inventer de nouvelles solutions » précise Jean-Manuel Bluet, directeur du développement durable et de la Création de Valeur Partagée chez Nestlé France. Cette idée semble séduire les jeunes entrepreneurs, qui « n’ont pas honte de faire de l’argent, mais (…) souhaitent axer leurs efforts sur des produits qui profiteront aux personnes pauvres, et chercher à atteindre les objectifs de santé publique » explique Leith Greenslade, représentante du secteur privé au sein de MDG Health Alliance.
… en France
Le concept désigné sous le terme de « Création de Richesse pour la Société et l’Entreprise » (CRSE), est de plus en plus plébiscité par les entreprises françaises. En effet, « avec la crise, beaucoup d’entreprises mènent une réflexion sur ce qu’elles apportent à la société » constate Olivier Classiot, directeur associé du cabinet Des Enjeux et des Hommes. Optic 2000 fait partie des entreprises qui s’engagent au-delà de la RSE vers le concept de valeur partagée. Les rendez-vous organisés autour du Tour Auto Optic 2000 permettent notamment de dépister les troubles visuels des conducteurs afin de limiter le nombre d’accidents sur les routes. De plus, la valeur partagée fait la part belle aux pôles de compétitivité ou clusters au modèle organisationnel et fonctionnel novateur. Ces grappes d’entreprises sont bien implantées en France depuis des années et s’inscrivent dans la stratégie de (re)connection des entreprises avec leurs territoires. La vallée jurassienne est un des exemples forts de reconquête économique à laquelle Optic 2000 participe en soutenant la production historique de la lunetterie française. Le groupe coopératif entend ainsi pérenniser des savoir-faire et des emplois en France dans des régions fragilisées, tout en structurant sa filière d’approvisionnement autour de produits de grande qualité estampillés « Made in France ».
Autre entreprise française engagée dans une telle démarche, la Française des Jeux a demandé à un cabinet de conseil de créer un outil de mesure de la valeur partagée créée au sein de sa politique RSE. « Apporter des preuves de notre contribution à la société civile nous permettra de valoriser notre démarche RSE en interne » explique Christine Prouin Schmitte, responsable RSE à la Française des Jeux. Elle met ainsi en évidence la synergie possible entre les deux concepts plus qu’une concurrence.
De la RSE à la CRSE, l’enjeu est bien de s’interroger sur l’entreprise de demain et de l’envisager comme source de solutions aux problèmes contemporains, quels qu’ils soient.
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